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Journée mondiale de la liberté de le presse 2017

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Journée mondiale de la liberté de le presse 2017

Philippe Duhamel

Journée mondiale de la liberté de la presse 2017 célébrée à la maison des journalistes à Paris, en présence de Michaëlle Jean. L'OIF parraine l'une des 14 chambres de ce lieu dédié aux journalistes en exil.

Discours à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de le presse

Madame la Directrice, Chère Darline Cothière,
Monsieur le Secrétaire général de Reporters Sans Frontières, cher Christophe Deloire,

Monsieur le Secrétaire général d’En Marche,

Chères résidentes et résidents,
Alors que nous célébrons, en ce 3 mai, la Journée mondiale de la liberté de la presse, c’est à toutes et à tous les journalistes persécutés et empêchés d’exercer pleinement leur mission d’information que je pense en cet instant. 

Vous êtes de ceux-là, vous qui avez trouvé refuge dans cette Maison, alors que vous préfèreriez, je le sais, être sur le terrain. Cette situation est inacceptable. Cette journée est là pour nous le rappeler.

J’ai moi-même été journaliste et j’ai été exposée au pire. En 1986, je me suis rendue en reportage en Haïti pour couvrir, comme tant d’autres journalistes, la première élection libre, après 30 ans de régime dictatorial des Duvalier, père et fils. La veille du scrutin tous les journalistes, y compris l’équipe de l’Office national film du Canada dont je faisais partie, ont été pris pour cible par les militaires. Ces Forces armées refusaient d’abandonner le terrain et refusaient surtout le principe même d’élections libres devant conduire à un État de droit. Journalistes et électeurs sont devenus leurs proies, des hommes et des femmes à abattre, et ils se sont livrés à un véritable carnage. 

Mon expérience en 1986, comme la vôtre aujourd’hui, ne font que confirmer ce que signalent les rapports de Reporters sans Frontières, année après année : la liberté de la presse ne progresse pas, elle est même en sévère recul. 

Menaces, violences, peines privatives de liberté, disparitions, exécutions, écrits et propos qualifiés de délits de presse : rien n’arrête ceux qui veulent bâillonner, censurer, réduire au silence. Mais fort heureusement, rien n’arrête, non plus, celles et ceux qui luttent pour mettre fin à ces pratiques intolérables, à ces violations des droits et des libertés. Et la Francophonie est de ceux-là.

C’est ce que je tenais à vous dire en venant célébrer cette Journée avec vous. Je suis là aussi pour entendre vos témoignages, pour sentir l’âme de cette maison, saisir l’atmosphère qui règne dans ces lieux ô combien symboliques. 

Oui, cette maison à une âme. Elle parle d’une France solidaire. D’une France fraternelle.

Quelle belle initiative, en effet, que cette Maison des Journalistes, fondée il y a quinze ans ! 

Quelle idée avant-gardiste aussi, chère Darline Cothière, car alors que les journalistes n’ont jamais été autant persécutés, cette Maison des Journalistes est la première du genre à travers le monde. On ne peut que souhaiter que vous fassiez largement école et que beaucoup d’autres villes suivent l’exemple de la ville de Paris.

La ville de Paris qui, en accueillant cette Maison, renoue avec sa vocation originelle de terre d’accueil, pour tous ces journalistes, artistes, hommes et femmes de lettres, musiciens, intellectuels qui, ont dû fuir leur patrie.

Chers confrères et consœurs, résidents de la Maison des Journalistes, 
Je mesure pleinement les risques encourus, les sacrifices consentis, les jeunesses perdues au nom de l’idéal d’informer. 

Je mesure tout autant, pour l’avoir vécu, ce que représente l’exil forcé : le déracinement, les rêves brisés, les familles déchirées, la nécessité de se reconstruire, de renaître à soi-même et de revivre.

Mais je vous exhorte à demeurer ce que vous êtes intrinsèquement : des éclaireurs, des passeurs d’espoir et de liberté. 

Certains gouvernements, je le sais, aimeraient avoir une totale emprise sur vous. En vous poussant à l’exil, ils imaginent tuer toute velléité de dissidence ou de contestation ; c’est bien peu connaître la puissance des mots, et la détermination de celles et de ceux qui ont fait le choix d’informer.

Les idées portées par la puissance des mots ne meurent jamais ! Elles survivent aux dictatures à travers le temps et se jouent des frontières.

Alors ne cédez pas. Continuez le combat depuis Paris, depuis cette Maison des journalistes, comme vous le faites à travers « L’oeil de l’exilé », la publication en ligne que vous produisez. 

A cet égard, je veux vous dire, chère Darline Cothière, que vous pouvez compter sur la Francophonie. Nous avons du reste décidé de parrainer une chambre de cette Maison et de contribuer aux bonnes conditions d’hébergement de la personne qui l’occupe. 

Le parrainage de cette chambre, c’est aussi notre manière de vous dire, chères résidentes et résidents, que vous soutenir n’est pas seulement une nécessité ardente. C’est, pour nous, de la Francophonie, une exigence morale.  

Parce que nous avons bien conscience que cette Maison des Journalistes constitue, pour vous, un refuge, un recours, une boussole. C’est, aussi, un lieu de toutes les cultures et, en cela une manière d’habiter plusieurs mondes en même temps. C’est, enfin, notre façon, à toutes et à tous, d’affirmer que le combat pour la liberté de la presse est une mobilisation de tous les instants. 

Soyez convaincus que la Francophonie ne se résoudra jamais à dire : ainsi va le monde. 

Je vous prends à témoin, cher Christophe Deloire. Nous nous sommes retrouvés, voilà quelques semaines, pour décerner les Prix de l’innovation dans les médias francophones aux côtés de France Média Monde et sa Présidente Marie-Christine Saragosse.

Nous faisons déjà beaucoup, ensemble, mais nous avons encore tant à faire dans les domaines du journalisme, de la sécurité des professionnels de l’information, mais aussi dans d’autres secteurs comme celui des processus électoraux. 

Résister à l’inacceptable. Dénoncer. Innover. Poser des gestes concrets, jour après jour pour défendre, sans faillir, encore et toujours, la liberté d’expression et d’opinion, la liberté de la presse et l’indépendance des médias. Tel est bien l’état d’esprit dans lequel agit et continuera à agir, pour vous, et avec vous, cette Francophonie de la résistance et des solutions.

Je vous remercie.

Source : https://www.francophonie.org/discours-SG-maison-journalistes-47846

Publiée le 5 mai 2017 https://youtu.be/mZyoUrwXh3Y