Au nom de tous ces migrants livrés au pire en Libye
Philippe Duhamel
En novembre 2016 déjà, les chefs d'État et de gouvernement réunis à Antananarivo pour le XVIe Sommet de la Francophonie n'avaient pas caché leur très grande préoccupation à l'écoute de nombreux témoignages de migrants et des associations qui leur viennent en aide.
Ils s'étaient engagés dans la Déclaration finale du Sommet à "intensifier [leurs] efforts pour prévenir et combattre le trafic de migrants, éradiquer la traite des êtres humains et lutter contre l'exploitation des personnes."
Aux témoignages des rescapés s'ajoutent aujourd'hui des images douloureuses et révoltantes, tournées clandestinement en Libye, très explicites du trafic et de la traite d'êtres humains.
Mettons-nous à leur place.
L'urgence est d'agir pour retrouver et libérer ces pauvres parmi les pauvres.
L'urgence est de rendre à ces hommes, à ces femmes, leur humanité, leur dignité, leur intégrité physique, leur existence et leur identité.
L'urgence est de remonter ces filières, démanteler les réseaux de trafiquants, identifier les auteurs de ces crimes et encourager les instances judiciaires nationales et internationales à les poursuivre et les traduire en justice.
Cette impérieuse nécessité est aussi celle qu'ont affirmée dans une Déclaration forte les Ministres et chefs de délégation des 84 États et gouvernements membres de l'Organisation internationale de la Francophonie, réunis à Paris, les 25 et 26 novembre dernier. Cet appel à mobilisation fait aussi écho aux condamnations fermes de Chefs d'État et de citoyens, demandant à la communauté internationale, au Conseil de sécurité des Nations unies, d'engager une action immédiate, concertée et coordonnée, pour que cessent les violences contre les migrants en Libye, ces crimes contre l'humanité. Notre responsabilité commune de protéger est engagée.
La responsabilité de protéger c'est aussi celle de prévenir, d'agir sur les causes profondes qui poussent des milliers de désespérés à l'exode forcé, les jettent sur les chemins terrestres et maritimes de tous les périls, les exposent aux organisations criminelles et trop souvent à la mort.
L'urgence est donc pour nous, tous ensemble, de déployer solidairement une coopération plus robuste, de dégager les moyens afférents pour une croissance partagée, un développement humain et économique, inclusif, responsable et durable.
Il nous faut au plus vite donner des raisons d'espérer à ces milliers de jeunes.
Le mot clé c'est investir, investir massivement dans ce capital humain pour ne pas laisser perdre ces forces de création, de production et d'innovation.
Investir massivement pour un accès de toutes et de tous à une éducation et une formation de qualité, tournées vers l'insertion sociale et professionnelle.
Investir massivement dans les initiatives économiques, l'entrepreneuriat des femmes et des jeunes pour éradiquer un chômage chronique potentiellement explosif, et réaliser le dividende démographique.
Investir massivement dans des programmes et des mesures d'adaptation aux effets déjà dévastateurs des changements climatiques qui plongent des populations entières dans l'extrême pauvreté, les poussant à fuir vers les villes ou à quitter leur pays.
Investir massivement dans l'enracinement de la démocratie, le renforcement des institutions de l'Etat de droit, le respect des droits et des libertés, le dialogue interculturel et interreligieux, comme dans la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix.
L'Organisation internationale de la Francophonie agit sur tous ces fronts et appelle les États, les organisations internationales et régionales, les ONG, le secteur privé, toutes les forces de la société civile à s'associer étroitement et à agir ensemble pour sauver plus de vies encore.