Quand sonne l’heure de vérité, prenons le temps de réfléchir
Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
Quand sonne l’heure de vérité,
prenons le temps de réfléchir
En cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, nous nous rassemblons. Nous unissons nos voix pour dire que nous ne cessons de penser à ces enfants autochtones qui ont été arrachés à leurs parents, leurs familles, leurs communautés pour être internés dans ces infâmes écoles résidentielles.
MICHAËLLE JEAN
GOUVERNEURE GÉNÉRALE DU CANADA DE 2005 À 2010
Par milliers et sur plusieurs générations, ils ont été violemment dépossédés de leurs langues, de leur mémoire, de leurs liens affectifs si essentiels, de leur riche patrimoine matériel et immatériel, de leurs traits de civilisation et de leur culture, leur liberté, leur dignité, leur identité et leur fierté.
De ces établissements de la ségrégation, nombre de ces enfants ne sont pas revenus vivants, morts des mauvais traitements qui leur ont été infligés et du chagrin aussi d’avoir été déracinés de tout ce qui les ancrait dans leur existence et à cette terre de leurs origines.
Les sépultures, longtemps tenues secrètes, de ces petits dont les parents avaient perdu toute trace remontent à la surface, comme autant de cris de détresse et d’appels au secours.
Nous sommes solidaires et serrons contre nos cœurs celles et ceux qui ont survécu à cette épreuve dont on ne sort pas indemne et qui en portent encore les stigmates et le traumatisme.
Nos pensées vont également aux proches inconsolables, accablés pour toujours par la blessure du deuil et la douleur de ne pas savoir, ne pas avoir accès à la vérité, toute la vérité.
Faire du 30 septembre une journée fériée de la vérité et de la réconciliation ne suffira pas et ne doit pas servir à tourner la page ou à apaiser nos consciences. Elle doit être une journée de réflexion, de dialogue, de partage, de sensibilisation, d’éducation et d’action. Il nous faut consciencieusement nous prêter collectivement à l’exercice de vérité.
L’aveu dans un acte de contrition offert il y a quelques jours par les évêques des Églises catholiques du Canada représente un pas important pour qu’avance ce processus de vérité qui s’impose, l’établissement des faits et de la lourde chaîne des responsabilités. Il faut aussi que des enquêtes supplémentaires soient engagées, que les responsables, concepteurs et exécutants de cette hécatombe soient identifiés, qu’ils admettent et relatent les méfaits, en reconnaissent les effets dévastateurs et qu’ils en répondent devant la justice.
Que nous soyons autochtones ou allochtones, cette histoire nous concerne, elle heurte la confiance que nous placions en ces hautes institutions religieuses et des gouvernements fédéral, provincial, municipal qui se sont rendus complices de ces abus, mensonges, silences et négligences criminelles. Elle dit aussi combien l’indifférence générale a permis que ces crimes se commettent et perdurent jusque dans les années 1990.
En ce jour consacré à la quête de vérité et de réconciliation, rendons hommage au plaidoyer incessant des femmes et des familles autochtones sur ce chemin si douloureux.
Je veux saluer ici leur courage, leur persévérance, en particulier le grand rassemblement sur la colline du Parlement et la marche jusqu’au parc de la Confédération à Ottawa organisés en ce 30 septembre par les femmes de l’Indigenous Arts Collective of Canada qui, avec un immense mérite, œuvrent pour la sauvegarde de la culture, des arts, de la mémoire des peuples autochtones du Canada et, par conséquent, pour la pleine reconnaissance de leurs droits fondamentaux. La Fondation Michaëlle Jean soutient avec émotion cette initiative et appelle à la mobilisation de tous nos efforts pour que la vérité triomphe.
Source : LaPresse+ du 30 septembre 2021.