Mobilisation de haut niveau contre les violences faites aux femmes
Discours de Michaëlle Jean à la 73e Session de l’Assemblée générale des Nations unies
Excellences,
Monsieur le Président de la République Centrafricaine,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union africaine,
Monsieur le Directeur exécutif d’ONUSIDA,
Madame la Directrice exécutive de CROWN THE WOMAN,
Distingués invités en vos grades et qualités,
Il m’importait de joindre ma voix à cette mobilisation en faveur de l’élimination de toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles, du non-respect de leurs droits, de leur intégrité physique et psychologique.
Pendant plus de dix ans j’ai accompagné au Canada des milliers de femmes violentées, violées et brisées psychologiquement par leur conjoint. Jusque dans l’espace intime et familial des femmes sont en danger. J’ai aussi rencontré à Goma, en République démocratique du Congo, où je me suis rendue en 2010, des femmes et des filles à qui les pires horreurs ont été infligées par des miliciens.
Un drame sans fin.
Leurs récits continuent de me bouleverser. Et ce qui nous parvient, des massacres dans la région du Kasaï, récits de femmes mutilées, certaines enceintes retrouvées éventrées, est insoutenable.
Je pense à ces milliers de femmes réfugiées au Niger, à la frontière du Nigéria, 70% d’entre elles ont été les proies de Boko Haram et soumises aux pires agressions.
L’Afrique, pensez-vous ? Non, pas seulement. La barbarie et l’inhumanité ne connaissent pas de frontières. Partout, en contexte d’hostilité, de conflits et de guerre, les femmes sont en danger et suppliciées. Le rapt, le viol des femmes, des filles, des petites filles, des garçons également sont des armes de destruction massive.
Nous le savons. Mais si nous sommes réunis aujourd’hui c’est que nous sommes conscients qu’il faut faire Plus encore pour une pleine reconnaissance de toutes les formes de discrimination et de crimes commis contre les femmes, et qui sont autant de crimes contre l’humanité.
Nous devons faire Plus, pour que cesse l’impunité. Car ceux qui bafouent le corps des femmes et les déshumanisent s’en tirent toujours trop facilement.
Monsieur le Président TOUADERA, n’est-ce pas, ce que les femmes et les filles centrafricaines si profondément blessées et traumatisées réclament à l’homme sensible, soucieux de vérité et de justice que vous êtes.
Je n’oublie pas celles que j’ai rencontrées, en compagnie de votre épouse, et qui sont suivies à l’Hôpital de Bangui. Et c’est aussi pour elles que nous soutenons la Cour pénale spéciale que vous avez instituée contre l’impunité.
En octobre 2017, devant le Conseil de sécurité examinant l’agenda «Femmes, Paix et Sécurité», j’ai eu à rappeler combien cruciale est la mise en œuvre des dispositions de la résolution 1325, et des nombreuses résolutions qui l’ont complétée, année après année.
Nous – Organisations internationales, Etats et gouvernements, avec la société civile – devons nous engager à mobiliser, de manière plus systématique, des femmes, pour conduire ou prendre part à tous les dialogues et processus nationaux en faveur de la sécurité humaine, de la justice et de la paix.
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dont je suis la secrétaire générale, œuvre résolument dans ce sens.
Nos 84 Etats et gouvernements membres adopteront, lors de leur 17ème Sommet, les 11 et 12 octobre prochain à Erevan, une Stratégie pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, des droits et de l’autonomisation des femmes et des filles, qui fera une grande part à la lutte contre toutes les violences qui leur sont faites, en temps de paix comme en situation de conflit.
Car, ne nous y trompons pas, nous ne mettrons pas un terme aux violences, dans quelques contextes qu’elles surviennent, sans un travail en profondeur visant à l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’éducation, et à l’autonomisation économique des femmes.
Nous ne remplirons pas nos objectifs sans une volonté et une détermination de tous les instants.
Des partenariats robustes sont une nécessité. Alors, faisons le pari de la mise en synergie des efforts.
C’est ce que nous avons décidé, nous les quatre femmes respectivement à la tête de la Francophonie, du Secrétariat général Ibéro-Américain, du Commonwealth, et de la Communauté des pays de langue portugaise, qui ensemble représentons 167 Etats et gouvernements au total, soit 61% de la population mondiale.
Cette alliance stratégique est là aussi pour servir les droits des femmes et en toutes circonstances.
Je suis venue vous dire notre engagement avec vous, pour mettre un terme aux souffrances des femmes et des enfants, et pour faire du respect de leurs droits une priorité absolue.
— La Secrétaire générale de la Francophonie S.E. Madame Michaëlle Jean
à la 73e Session de l’Assemblée générale des Nations unies à New-York, placée sous le thème « Faire de l’ONU une organisation pour tous : une force mondiale fondée sur des responsabilités partagées, au service de sociétés pacifiques, équitables et durables ».
Source :
https://www.francophonie.org/Discours-SG-mobilisation-contre-violences-femmes-49178.html