De jeunes entrepreneurs avec la langue française pour trait d’union
Réseau est le mot le plus fréquemment repris par les jeunes entrepreneurs francophones, hommes et femmes. Et c’est plus qu’un souhait, c’est une nécessité. Car qui dit réseau dit ouverture et possibilités d’échanger : pour parler projets, initiatives, créations, modernisation des modes de production, activités économiques innovantes. Pour envisager aussi des partenariats et des maillages dans quantité de domaines. Pour croiser les expériences, les savoirs et les savoir-faire. Ou encore, pour recenser des marchés potentiels. Il y a aussi ce besoin de faire connaître aux responsables politiques et aux partenaires privés, non seulement les obstacles rencontrés au quotidien, mais aussi les réussites patiemment forgées. Le Québec, qui se distingue par une politique publique et des initiatives privées créatives et innovantes en matière entrepreneuriale, a beaucoup à offrir, et la Francophonie est preneuse.
La Grande Rencontre des jeunes entrepreneurs du monde francophone, qui se tiendra à Montréal du 26 au 29 avril, est en cela, une nouvelle initiative qui mérite d’être saluée.
Malheureusement, sur près de 400 jeunes entrepreneurs, seule une petite vingtaine viendra de ces pays francophones du Sud qui sont des viviers de jeunesse et où l’esprit entrepreneurial foisonne avec un génie et un dynamisme hors du commun. On aurait souhaité une présence plus représentative de la Francophonie des cinq continents.
Mais, le problème des visas reste entier et, par conséquent, celui de la mobilité pour des milliers de jeunes aux talents indéniables. Ce blocage, en raison de préjugés à leur endroit, est une injustice, un frein à leur réussite et par conséquent à la croissance de leur pays. C’est aussi priver les jeunes Québécoises et Québécois d’une formidable occasion d’ouverture sur l’espace francophone et sur le monde. On n’entend pas assez, on ne dit pas assez que le bénéfice de telles rencontres est partagé.
Il faut donc résolument tordre le cou aux préjugés et à tous les amalgames. Ces jeunes ne demandent pas l’asile, ils ne représentent pas non plus une menace. Comme tous les gens d’affaires, ils ont la volonté de faire fructifier leur entreprise, en l’ouvrant à l’international. Quoi de plus légitime ?
Le problème est récurrent. La solution est entre les mains des États.
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est d’autant plus sensible à cette dimension que l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes est au coeur de la Stratégie économique que les 80 chefs d’État et de gouvernement ont adoptée lors du Sommet de Dakar en novembre 2014.
Voilà deux ans que nous mettons en oeuvre cette feuille de route. Dans les douze pays de l’Afrique subsaharienne et de l’océan Indien où nous avons commencé à déployer ce programme, les résultats sont déjà là, tangibles, encourageants, stimulants.
J’en ai pris encore récemment la pleine mesure en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Niger, à Madagascar. J’ai vu sur place tous ces jeunes et toutes ces femmes que nous accompagnons dans des secteurs d’avenir et de développement responsable, par exemple ceux de l’économie verte, de l’agriculture durable, de l’économie sociale et solidaire, de l’économie numérique, de l’économie de la culture. Les rencontrer sur le terrain et les entendre permet de renforcer l’adéquation de nos interventions avec leurs attentes et leurs besoins. Leur énergie et leur engagement méritent d’être reconnus et soutenus au mieux, tant, toutes et tous ont à coeur d’être utiles à la collectivité, de servir l’essor de leur pays et de leur continent. Et c’est bien ce que fait l’OIF en intervenant à diverses étapes
Nous créons ou consolidons des espaces collaboratifs, des incubateurs et des accélérateurs de très petites, petites et moyennes entreprises qui sont des moteurs de croissance, génèrent des emplois et des chaînes de valeurs. Nous mobilisons la formation professionnelle et technique, les expertises et l’accompagnement nécessaires. Nous renforçons l’environnement entrepreneurial. Nous développons des plateformes d’échanges d’expérience et de bonnes pratiques avec l’ambition de mettre largement en réseau toutes ces forces économiques au sein d’un même pays, d’une même région, voire d’un continent à l’autre. D’où la nécessité de permettre la libre circulation.
Nous cherchons enfin à lever les obstacles, notamment en ce qui a trait au financement. À cet égard, il faut que les banques et les organismes de crédit comprennent, enfin, qu’en refusant d’investir dans les initiatives économiques des jeunes et des femmes, au motif que le risque est trop grand, ils font courir au monde un risque plus grand encore.
En effet, il est urgent d’investir massivement dans ce formidable capital humain, dans ce précieux gisement de forces actives majoritairement cantonnées dans l’informel et la précarité. En Afrique, 60 % des chômeurs sont des jeunes. C’est un véritable scandale et une bombe à retardement. D’autant que l’augmentation rapide de la population en Afrique subsaharienne devrait se traduire dans la prochaine décennie, par une croissance de plus de 50 % des arrivées de jeunes hommes et de jeunes femmes sur le marché du travail.
Ne pas investir dans le potentiel de ces forces vives, c’est prendre la responsabilité de voir s’amplifier encore ces exodes tragiques auxquels nous assistons, désemparés, et d’entretenir le désenchantement, la frustration, le sentiment d’exclusion et la colère de toute une génération sans laquelle rien n’est possible.
Ce rendez-vous élargi organisé par le Québec est un pas dans la bonne direction. Il s'inscrit dans la dynamique de rassemblement, de mobilisation générale à l'oeuvre dans la Francophonie. Tout l'exige et la jeunesse aussi.